Les artistes peuvent-iels tout dire ?

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Le Monte en l'Air (75020)
Les Mots à la Bouche (75011)
Les Racontars (Saint-Lô / Manche)

J’ai eu la joie, la chance et l’honneur de coordonner ce passionnant recueil collectif de la collection Minute Papillon 🦋 du non moins formidable labo d’édition #Monstrograph (aka la dream team Coline Pierré et Martin Page.

📚Que dire quand on est #artiste ? Pourquoi ? Comment ? Et de quel point de vue ? Des sujets sensibles mais tellement actuels, pour enfin mettre un terme à l’invisibilisation des voix minorisées, questions qui me tiennent à cœur.

« On ne peut plus rien dire ! »

Vraiment ?
Les réacs se plaignent de ne pouvoir s’exprimer librement, pourtant ils continuent de déverser leur haine et d’entretenir l’invisibilisation des voix minorisées, celles qui ne portent pas le privilège de l’homme blanc cis hétérosexuel. À l’heure où chaque jour voit éclore sa nouvelle pseudo-polémique – « menace woke », « cancel culture », « nouvelles censures » (stratagèmes développés par celleux qui monopolisent la parole, et refusent d’admettre que leur pouvoir est remis en cause), Monstrograph donne la parole aux artistes qu’on entend moins, ou pas assez. Objectif : éclairer leur réalité de créateurices, et les questions qu’iels se posent en matière de liberté de création.
Leslie Barbara Butch, Ovidie, Habibitch, Guillaume Meurice, Axelle Jah Njiké… Dix-sept créateurices toutes disciplines confondues répondent ainsi à douze questions : peut-on s’autoriser à s’emparer d’un sujet si on n’est pas concerné·e ; est-il risqué de créer ; reste-t-il possible de dire ce qu’on veut sans craindre les représailles ?
Riches et incarnées, leurs réponses mettent en lumière quelques constats délicats : violences perpétrées par les raids de trolls mais aussi intracommunautaires, difficultés à se déconstruire, logiques à l’oeuvre en matière de diffusion et d’accès aux financements. En cette époque ultraréactive, et marquée par l’omniprésence des réseaux sociaux, le chemin de la création reste semé d’embûches. Mais ces obstacles sont aussi vus par certain·es comme un moyen de réinventer leur art.

À la clé, un éventail de profils pluriel et évolutif, à l’image des questions que chaque artiste devrait se poser : tout dire, oui, mais pour dire quoi ? Et comment ?

Les artistes
Ayouba Ali, Hakim Atoui, Johanny Bert, Leslie Barbara Butch, Marie Docher, Camille Ducellier, Habibitch, Alistair Houdayer, Axelle Jah Njiké, Guillaume Meurice, Laura Nsafou, Oh Mu, Ovidie, Christelle Pécout, Kelsi Phung, Niels Rahou et Boulomsouk Svadphaiphane.

Et si on parlait diversité ?

Ou plutôt, absence criante de diversité en littérature jeunesse… C’est le propos de deux interviews publiées sur l’excellent et hautement recommandable site La Mare aux Mots, dont je reprends ici des extraits…

C’est une question que j’aborde régulièrement, en intervention scolaire, en interview ou lors des différents salons dans lesquels j’interviens. La route est longue, mais ces quelques infos devraient vous permettre d’y voir plus clair ou vous donner des pistes de réflexion.

Interview croisée avec Laura Nsafou

Le sujet scandaleux, c’est l’absence criante de diversité, tant du côté des auteurs et des autrices, que des récits commercialisés, des imageries véhiculées. Il n’y a qu’à voir les allées des salons du livre. Des blancs, des blancs, des blancs. Idem pour les ouvrages. Certes, quelques maisons d’édition commencent à s’interroger, osent des initiatives. Mais on reste en surface. Comme souvent, beaucoup se refusent à voir que des processus discriminants jouent à plein régime, pas toujours conscients, d’ailleurs, mais qu’importe. Et qu’on ne vienne pas me répliquer l’argument pathétiquement creux du « on ne peut plus rien dire, on ne peut plus rien écrire ». La littérature jeunesse mérite mieux que des formules caricaturales, révélatrices d’une certaine misère intellectuelle. Comment, en 2021, peut-on supporter que tout un pan d’auteurs et d’autrices, issu·es de la diversité, ou de récits mettant en avant d’autres visions de la société, des personnages « en marge » n’aient pas accès aux circuits grand public ni voix au chapitre.
Je rêve que les maisons d’édition françaises, dans leur ensemble, comprennent combien elles ont à gagner à opérer cette mue. Et ne soient plus aussi frileuses, ni ne fassent comme si cette question ne se posait pas.

Je rêve que les maisons d’édition françaises, dans leur ensemble, comprennent combien elles ont à gagner à opérer cette mue.

Mon coup de cœur et mon coup de gueule

Où sont ces voix qu’on n’entend pas (ou qu’on refuse d’écouter) alors même qu’elles disent un mal-être, des récits, des vécus et réalités, qui rappellent combien ce qu’on considère comme une « norme » ou une « objectivité » est le fruit d’un système aux mains d’une seule et même caste, arc-boutée sur ses privilèges et pouvoirs, et prompte à les défendre becs et ongles.

Je suis sidéré de voir à quel point la littérature jeunesse française continue de souffrir d’une absence criante de diversité — tant dans les représentations données à voir dans les ouvrages — que des voix éditées.

Où sont les auteurs et autrices racisé·es ? Quid des récits #ownvoices ? Comment est-il possible que les couvertures de certaines traductions soient « blanchies » ? Pour mesurer l’étendue du problème, je vous invite à écouter cet épisode de Kiffe ta race. Il suffit toutefois de déambuler dans les allées du salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, ou de n’importe quel salon du livre jeunesse, pour constater combien les tables de dédicaces sont désespérément blanches. (Jetez donc un œil sur le trombinoscope des 200 auteur·rices invité·es au SLPJ 2020… .)
Attention, il ne s’agit pas ici de reporter la faute sur tel ou telle, mais bien d’alerter sur le besoin d’une prise de conscience collective.


Une prise de conscience collective s’impose.

À l’étranger, des maisons d’édition prennent le problème à bras le corps, des agences littéraires dédient des fonds à l’émergence d’autres voix.

Et nous ? Quels récits publions-nous ? Par qui les ouvrages sont-ils écrits, illustrés ? Quels livres mettons-nous en avant ? Qui invitons-nous en salon, en librairie, en bibliothèque, en résidence ? À qui attribuons-nous des bourses, des aides ? Il est plus qu’urgent de répondre à ces questions. Et d’agir en conséquence.

Partout, le train d’une plus grande diversité est en marche. Ambition et volontarisme sont plus que jamais nécessaires pour ne pas rater ce coche et continuer de faire en sorte que la littérature jeunesse soit cette porte ouverte sur le monde de demain, et celles et ceux qui l’habiteront. Une société plus juste, riche de toutes ses singularités.

Parrain de la bibliothèque de l’ONG Janghi

C’est avec beaucoup de joie que j’ai accepté de parrainer la bibliothèque de l’ONG Janghi, qui œuvre en faveur des enfants déscolarisés au Sénégal.

Au programme, dans un premier temps, un atelier d’écriture avec les enfants à Dakar, des appels à dons en numéraire et une réflexion globale pour alimenter le fonds de la bibliothèque et mieux faire connaître l’action de l’organisation.

Quoi de plus logique pour un auteur que de parrainer une bibliothèque ! Ce parrainage me permet de mieux faire connaître l’action de l’ONG, qui œuvre de manière très concrète, personnalisée et en prise directe avec le terrain pour venir en aide aux enfants déscolarisés et en situation difficile. Je me réjouis de démarrer bientôt cet atelier d’écriture avec les enfants.

Plus d’infos/détails ci-dessous :

La littérature jeunesse est-elle de la « vraie » littérature ?

(extrait de ma tribune parue dans Le Monde le 28.11.19)

@Julien Benhamou

La réponse est non, malheureusement, et c’est le président de La Charte des auteurs et des illustrateurs pour la jeunesse, créée en 1975 et représentant pas moins de 1 400 auteurs et autrices jeunesse, qui le dit.

Si la littérature jeunesse était considérée comme de la « vraie » littérature, elle serait payée comme telle par les maisons d’édition.
Or, elle est « systémiquement » moins rémunérée que la littérature dite « générale » : un pourcentage moyen de 5,2 % des recettes (à partager très souvent entre auteur et illustrateur), contre 7,2 % pour les autres catégories de publications, indique le baromètre des relations auteurs-éditeurs de mars 2018 SCAM/SGDL. Et le dernier à-valoir le plus élevé perçu par chaque auteur s’élève en moyenne à 2 426 euros en littérature de jeunesse contre 13 200 en littérature générale (hors sciences humaines, essais et bande dessinée), selon le rapport « La situation économique et sociale des auteurs du livre » publié en 2016 par le Centre national du livre – rencontres, lectures, actualités (CNL) et le Ministère de la Culture.

Si la littérature jeunesse était considérée comme de la « vraie » littérature, elle serait estimée comme telle par les pouvoirs publics.
Or, le ministre de la culture, Franck Riester, s’il est finalement venu inaugurer cette année le Salon du livre et de la presse jeunesse en Seine-Saint-Denis, avait brillé par son absence en 2018, mais aussi aux dernières Assises de la littérature jeunesse, en octobre, pourtant placées sous l’égide de son ministère. Quant au ministre de l’éducation nationale, sa méconnaissance de la vitalité de la littérature jeunesse contemporaine l’a conduit à promouvoir la lecture en faisant éditer et distribuer chaque année à grands frais aux élèves de CM2, comme « livre pour l’été », les fables de La Fontaine. N’y aurait-il donc pas d’auteurs ou autrices jeunesse contemporains dignes de voir leur œuvre distribuée ?

Si la littérature jeunesse était considérée comme de la « vraie » littérature, elle serait appréhendée comme telle par les organismes de protection sociale.
Or, depuis le 1er janvier 2019, les rencontres en milieu scolaire, propres à la littérature jeunesse, subissent un chaos administratif qui témoigne d’une désinvolture manifeste à l’égard des conditions de travail des auteurs et autrices jeunesse. Les établissements scolaires souffrent d’un cruel déficit d’information, ne sont pas accompagnés dans l’application des réformes en cours et des dizaines de dossiers doivent être remontés un par un aux ministères par les associations, afin de débloquer des rémunérations retenues pour certaines depuis un an.

Si la littérature jeunesse était considérée comme de la « vraie » littérature, elle serait envisagée comme telle par les médias.
Or, la télévision, qui se repaît pourtant des créations jeunesse contemporaines en les adaptant régulièrement sous forme de dessins animés, s’évertue à ignorer systématiquement la littérature jeunesse dans les rares émissions littéraires qu’elle propose encore. Sauf une fois par an, salon de Montreuil et Noël obligent…

Si la littérature jeunesse était considérée comme de la « vraie » littérature, elle serait accueillie comme telle.
Or, des salons du livre opèrent trop souvent un distinguo. D’un côté, ils alignent les auteurs et autrices jeunesse dans des espaces de dédicaces confinés, tels des poulets de batterie, les logent dans les hôtels de périphérie et les nourrissent dans les restaurants de moindre qualité. De l’autre, auteurs et autrices de littérature générale bénéficient de conditions d’accueil nettement plus confortables.

Enfin, si la littérature jeunesse était considérée comme de la « vraie » littérature, ses auteurs et autrices demanderaient à être traités comme tels. Et refuseraient les modalités financières qu’on leur propose, boycotteraient toute maison d’édition, tout salon qui les maltraite ou s’insurgeraient contre les pouvoirs publics qui les dénigrent. Un véritable examen de conscience s’impose, pour comprendre les responsabilités de chacun. Et c’est le système tout entier qu’il faut interroger, y compris les leviers à l’œuvre, parfois inconscients.

Car à l’instar d’autres secteurs, la littérature jeunesse est aussi moins rémunérée et moins valorisée parce qu’elle reste un secteur très féminisé, 70 % des adhérents à la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse étant des femmes. Malgré ces constats maintes fois répétés, la société continue de déconsidérer les activités dans lesquelles les femmes sont majoritaires. Et s’adresser à la sphère de l’enfance n’arrange rien. Il faut en finir une bonne fois pour toutes avec ces différences de traitement et ces schémas archaïques en prenant la situation à bras-le-corps.

Pour qu’enfin la littérature jeunesse et ses auteurs et autrices soient traités à leur juste valeur. Celle d’une « vraie » littérature, dynamique, exigeante et prospère –qui contribue malheureusement beaucoup à la bonne santé du secteur de l’édition dans son ensemble sans en tirer profit pour autant.

À ce titre, elle mérite qu’on la considère bien au-delà de son salon annuel.


➡️ L’intégralité de ma tribune
à retrouver ici sur le site du Monde

La Charte, plus vivante que jamais !

Le 13 février 2019, j’ai accepté (avec plaisir !) de devenir Président de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse. Engagé depuis trois ans dans l’association, j’explique ici les raisons de ce choix.

La Charte, plus vivante que jamais

Au moment d’intégrer la charte, en 2017, j’écrivais : « j’ai à cœur de donner à la Charte en retour : de mon temps, de mon énergie et de mon enthousiasme, pour qu’elle continue d’offrir autant aux auteurs émergents et confirmés. Bref, (…) tout ce qu’elle fait depuis toujours : aider, fédérer, mutualiser, faire progresser. Agir pour les auteurs, par les auteurs : être au cœur du collectif pour faire entendre nos voix et être plus forts ensemble. »

Deux ans plus tard, l’envie est intacte et plus chevillée que jamais. Les auteur·trice·s restent menacé·e·s, l’urgence est réelle, et il nous faut réaffirmer notre voix, dire haut et fort que sans nous, pas de livres, pas de littérature. Le mouvement #PayeTonAuteur, les méandres administratifs, nos rémunérations : la Charte est de tous les fronts et aide ses membres à mieux comprendre les enjeux qui les concernent, leurs contrats mais aussi à faire valoir leurs droits. Pour que l’association, comme la littérature jeunesse, restent un maillon incontournable et bien vivant de la chaîne du livre.

Si j’accepte aujourd’hui de devenir président de la Charte, c’est parce que je sais que nous allons continuer l’aventure d’une équipe soudée, qui œuvre en permanence à défendre, inventer, accompagner. Nous allons poursuivre les projets déjà initiés – et ils sont nombreux ! –, notamment ceux qui me tiennent à cœur : l’émergence des nouveaux talents, l’égalité et la diversité, mais aussi le chantier de plus en plus récurrent de la liberté d’expression, et des menaces qui pèsent sur les œuvres. Nous allons continuer d’interroger la question du statut des auteurs, de leur métier. Car oui, c’est un métier. Les auteurs et les autrices ne passent pas leur vie à attendre l’inspiration, debout face à la mer. Qui oserait encore le prétendre ? La Charte parle métier et argent, il n’y a là rien de sale. Prendre acte de notre réalité professionnelle n’entache en rien le plaisir qu’on prend à écrire, illustrer, traduire… Cela dit au contraire toute l’attention, tout le soin et tout l’amour que nous portons à ce que nous faisons.

Le collectif, sinon rien

Le secret de la vitalité de la Charte repose avant tout sur ses adhérentes et adhérents, les Chartistes. Plus que jamais, c’est vous qui pouvez relayer les informations, nous remonter les dysfonctionnements, rendre compte des écueils de votre protection sociale, des échanges avec vos partenaires – maisons d’édition, salons, médiathécaires, libraires – et également soutenir nos actions, qui bénéficient à tous les auteurs et autrices, tous secteurs confondus, et servent à donner à la littérature jeunesse la place qui est la sienne : un espace de liberté incroyable, qu’il nous faut préserver. Les portes de la Charte sont donc grandes ouvertes et le conseil d’administration n’attend plus que vous (on a des chouquettes et du café !)

Le CA de la Charte, 13 février 2019

Car s’il est une chose que mes premières années à la Charte ont confirmé, et dont je reste plus convaincu que jamais, c’est que, face à la solitude de l’écriture, mais aussi de la négociation, du doute, le seul salut est dans le collectif. À l’instar des autres dimensions de nos vies – famille, ami·e·s, collègues –, il nous faut nous soutenir, discuter, débattre et confronter nos points de vue avec bienveillance. Ce n’est qu’ensemble qu’on réussit à se sentir moins seul. Oui, je sais, c’est une tautologie, mais il n’est jamais inutile de le rappeler.

Sauver le livre, ensemble

Œuvrer ensemble, c’est aussi ouvrir la porte à tous nos partenaires. Dans l’esprit de la campagne vidéo « On a sauvé le livre ! » imaginée par la Charte à l’automne dernier, nous invitons toujours au dialogue les autres maillons de la chaîne du livre. En représentant les auteur·trice·s jeunesse, la Charte est au cœur de la chaîne. Nous continuons donc de nous mobiliser pour tisser des partenariats, inciter le secteur tout entier à s’interroger, à remettre en question ses pratiques. Et à fédérer les énergies positives.

Enfin, et cela mériterait un texte tout entier, je suis très heureux de reprendre le flambeau de Samantha Bailly, désormais ex-présidente de la Charte, et je tiens ici à saluer l’immense travail qu’elle a accompli (ainsi que celui de toutes celles et ceux qui l’ont précédée). Merci infiniment Sam, pour cette énergie déployée, et dont la Charte va continuer à bénéficier à travers ta position de vice-présidente de l’association et de présidente de la Ligue des auteurs professionnels.

Sam et moi avons toujours travaillé main dans la main. Que La Ligue et la Charte œuvrent de concert est donc une évidence. Quoi de plus normal quand la seule chose qui nous importe, c’est la défense des auteurs et des autrices. Et donc des livres.